Jeux d'Histoire du Ponant - club de jeux d'Histoire à Brest

dimanche 4 août 2013

Peugeot, Jules, André.


Pour une séance de jeu d'histoire un vendredi 2 août, comment ne pas prendre prétexte de ce petit matin, il y a 99 ans...

C'est donc au petit matin le 2 août 1914, alors que le café réchauffe les quarts de fer blanc du poste de garde du 44° Régiment d'Infanterie dans la ferme à l'entrée du bourg de Joncheray, que la petite fille du fermier entre dans la cours en criant : les Allemands ! ils arrivent !

L'Europe est en paix en ce matin ensoleillé, mais elle est déjà en armes. Depuis l'attentat de Sarajevo, le jeu pervers des alliances internationales n'a servi que de prétexte aux ambitions des gouvernements. Les Allemands aspirent à parfaire leur victoire éclatante de 1871, les Français brûlent de venger leur honneur, de reprendre les territoires confisqués d'Alsace et de Lorraine, de montrer qu'ils ne sont second de personne en Europe.


C'est la toute première guerre "nationale" qui se profile. Pour la première fois, des deux côtés de la frontière, c'est l'ensemble des citoyens conscrits qui portent les armes et non plus seulement des professionnels. Ce n'est pas qu'ils désirent la guerre, ni même que l'évocation des grandes idées de nation, de liberté ou d'honneur ne leur inspire plus qu'un haussement d’épaule dédaigneux. Mais de part et d'autre du Rhin, personne n'accepte l'idée de céder à "ceux d'en face". 40 ans d'éducation publique ont bien joué leur rôle pour souder le pays, aucun n'accepte l'idée d'être soumis à ces voisins hostiles, à ces brutes sanguinaires. Ils n'ont pas peur, et si "les salauds d'en face" veulent la guerre, ils l'aurons. Nous serons à Berlin en trois semaines, déjà partout en France les trains de mobilisation acheminent les troupes vers la frontière.

Mais quand même, la petite paysanne de Belfort ne connait les Allemands qu'au travers des images d’Épinal, ne s'est-elle pas trompée ?

Le chef du détachement français, le jeune instituteur Peugeot, caporal rappelé sous les drapeaux il y a quelques jours, sort de l'écurie, cours vers le chemin, et tombe nez-à-nez avec un très jeune officier allemand, de Mulhouse, nommé Camille Mayer. Celui-ci a été envoyé en reconnaissance de l'autre côté de la frontière car ses chefs ignorent les positions exactes de l'armée française mais se doutent qu'ils recevront bientôt des ordres qui changeront le cours de l'histoire.

Sans parler, Mayer dégaine son revolver, tire et blesse Peugeot qui riposte. Puis les deux hommes tombent dans la poussière du chemin, blessés, mourants.

Les Allemands s'élancent, mais les Français se sont ressaisis. Un échange de tirs, et les "boches" refluent. Comment cela c'est-il passé ? Nous sommes en paix !

L’Allemagne ne donnera ni explications, ni excuses.

48 heures plus tard, elle déclare la guerre à la France et à ses alliés.



Peugeot, Jules, André.

Cet accrochage, 48 heures avant la déclaration de guerre, est notre scénario d'introduction "typique" au jeu d'escarmouche. Ici pas de grande stratégie impliquant des armées entières sur la surface du globe. Chaque figurine représente un seul combattant, et le jeu détermine ses réactions "au plus près" du combat.

Les règles habituellement utilisées au JHP pour ces escarmouches sont les variantes du système "Chain Reaction" de "2 Hour Wargames", et ici plus précisément la première édition de "Nuts!", son incarnation "guerres modernes".

Si elles peuvent frustrer des joueurs soucieux de contrôle et de tactique fine, elles sont à la fois simples, rapides et sans équivalent pour représenter l'incertitude des réactions humaines face au danger. Si le joueur contrôle parfaitement le chef d'un groupe, les combattants qui le composent peuvent très bien juger plus prudent de rester à l'abri d'un mur que de tenter de devenir des héros...

La mise en situation du scénario est des plus simples : les bâtiments de ferme le long du chemin, les petits champs cloisonnés de talus, la haie d'arbres qui dissimule l'arrivée des Allemands (en haut à droite de la photo).

Historiquement, le combat a été une surprise pour les deux camps. Je n'ai donc pas indiqué les objectifs de victoire aux participants, à eux de se faire une idée suivant la situation.
Pour les Français c'est assez évident, ils défendent leur terre. Ils doivent donc soit détruire le détachement ennemi (plus facile à dire qu'à faire) soit les repousser avec suffisamment de pertes pour leur faire comprendre qui reste le maître ici.

Pour les Allemands la situation est plus floue. Ils sont en reconnaissance pour localiser les avant-postes français. Si Mayer reste en vie, il doit infliger des pertes supérieures aux Français avant de se retirer (il semblait brûlant d'envie d'en découdre). S'il tombe, ses hommes doivent si possible récupérer son corps ou au minimum infliger des pertes équivalentes aux français avant de se replier pour apporter leurs informations.

Dans tous les cas, les Allemands doivent faire vite. Même si les participants n'en sont pas informés, le sergent commandant le poste de garde suivant à l'entrée de Joncheray a pris l'initiative de rejoindre l'escouade de Peugeot dès les premiers tirs, et arrivera entre 8 et 15 minutes après le début des combats, rendant la situation des Allemands difficilement tenable.
(bon, toutes mes excuses, j'ai été fidèle à moi-même et ai oublié de prendre des photos quasiment jusqu'à la fin de la partie...)

La partie commence par l'échange de coups de feu, simultané, entre Peugeot et Mayer. Ici Peugeot est tué sur le coup, Mayer blessé s'effondre inconscient.

Les Français s'élancent hors de l'écurie, les Allemands se scindent en deux groupes : l'un progresse rapidement le long du chemin pour atteindre le corps de son chef, l'autre contourne le corps de ferme pour prendre les français à revers.

Mais si les Allemands du chemin progressent vite et fort, tuant plusieurs Français, leur second groupe est bloqué par quelques Français à l'arrière de la ferme, et n'ose pas attaquer. Cela donne le temps aux Français de basculer vers le groupe du chemin, parvenu au corps de son chef, de les clouer sur place puis de les éliminer les uns après les autres.
Le second groupe allemand tente alors de rejoindre ses camarades mais il est trop tard ; trois soldats sont morts ou blessés, l'un a fuit, seul un d'entre eux s'est réfugié derrière une haie et bloque de fait la progression des français.

Ceux-ci ne s'en laissent pas compter, et trois "pioupious" donnent l'assaut du "casque à pointe" plutôt terrorisé et le prennent prisonnier alors que leurs camarades, par leurs tirs de couvertures, renvoient les derniers allemands en désordre dans les bois à l'est, d'autant qu'une escouade française de secours débouche venant du village.
Une victoire française, donc.

Comme souvent, notre bataille est plus "sanglante" que ne l'a été l'épisode historique (cinq morts ou blessés graves de chaque coté, un allemand prisonnier) ; nous ne risquons pas nos vies donc nous pouvons être plus agressifs qu'en réalité, d'autant que les règles de jeu sont toujours prévues pour donner "du spectacle". Historiquement il y eut un mort français (Peugeot) et deux allemands (Mayer et un soldat blessé et retrouvé plus tard) ainsi qu'un autre Allemand, retrouvé blessé et capturé lors de la poursuite ultérieure par l'armée française.

Le tout en une courte session de jeu de deux heures pour quatre joueurs, l'idéal pour remplir une soirée d'été au calme pour les quelques membres qui ne sont pas partis profiter de leurs congés en famille.

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